Une fois que l’on s’est laissé éblouir par la boule à facettes d’une personnalité dont la vérité nous échappera toujours, il faut en effet en revenir à l’essentiel : ses films, ses personnages, ses rôles, cette carrière professionnelle dont on voit mal, aujourd’hui ou demain, quelle actrice serait en mesure de la réitérer.
Il ne s’agit pas simplement de la durée historique de l’activité d’actrice (laquelle court tout de même de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin des années 80, si l’on y inclut ses dernières apparitions et caméos), ni même de l’abondance des titres où elle a figuré. Il s’agit vraiment d’une filmographie qualitative, dont de nombreux films occupent une place centrale dans l’histoire du cinéma. Cléopâtre,Soudain l’été dernier etReflets dans un œil d’or que Géant, Une place au soleil ou la Chatte sur un toit brûlant restent des repères majeurs, aussi bien du point de vue de leur impact et de leur persistance dans l’imaginaire collectif que pour la valeur historique dont ils n’ont cessé de s’enrichir. Valeur acquise en tant que témoignages archétypiques d’une certaine période, la plus glorieuse, de l’industrie hollywoodienne, dont ils sont à chaque fois un fleuron, mais aussi en tant que reflets de la société à leur époque et de ses évolutions, dont ils sont aussi les réceptacles, ou émetteurs, privilégiés.
Dans cette filmographie d’exception, il n’y a évidemment pas de hasard. Il ne faut pas non plus y voir l’effet d’une bienveillance particulière des studios à l’égard de l’actrice. C’est bien sûr à l’intelligence propre de ses choix, de ses relations, de ses amitiés et de ses sentiments que Liz Taylor doit tant de réussites. C’est-à-dire à elle-même et à personne d’autre.
C’est aussi pourquoi le caractère éminemment sexuel et sexué de Liz Taylor, l’actrice comme la femme publique, doit se comprendre comme un choix lucide de l’intéressée. Son parcours au cinéma suit presque exactement celui de l’émancipation des femmes et d’une certaine revendication en faveur d’une sexualité choisie, désirée et non subie. Aux yeux d’hommes innombrables, Liz Taylor a incarné plus fortement que les autres une partenaire pour l’amour, dont elle aurait été la maîtresse de jeu, et qui n’était pas nécessairement une douce mère-épouse au foyer.
Braver. Tout l’écart entre cette époque et la nôtre, au détriment régressif de cette dernière, peut se lire dans l’heureuse formule du peintre Francesco Vezzoli, spécialiste en madones : «Liz Taylor était la plus grande star de son époque et a eu sept maris. Aujourd’hui, la plus grande star est Angelina Jolie et elle a sept enfants»…
L’aspect le plus attachant d’Elizabeth Taylor, celui qui force l’admiration, c’est aussi la tendresse qu’elle a manifestée envers les autres, tous ceux que la société risquait de heurter et de faire souffrir, particulièrement envers ses camarades acteurs homosexuels. Ces choix sont là encore ceux d’une femme libre, prête à braver les conventions. Et qui a tenu coûte que coûte à assumer sa liberté.
Source: http://next.liberation.fr/culture/01012327448-liz-taylor-le-film-d-une-vie
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