Pas moins d'une petite centaine de Roumains ont ainsi été expulsés manu militari du terrain vague qu'ils avaient investi au mois de mai, dans le quartier stéphanois de Montmartre. L'opération s'est déroulée de l'aube à la fin de matinée avec «méthode et humanité», précise-t-on au ministère. «Une centaine de policiers a procédé à l'expulsion dans le calme», confirme la responsable de l'association Solidarité Roms, Marie-Pierre Vincent, qui déplore toutefois «un quartier entièrement bouclé par les forces de l'ordre, ce qui ne nous permet pas d'aider les expulsés à récupérer toutes leurs affaires».
Le camp de Saint-Étienne était «ignoble», selon Paul Roux, membre de la même association de soutien aux Roms. «Des tentes côtoyaient des cabanes faites de morceaux de bois, le tout avec deux robinets gracieusement installés par la mairie pour tout le camp, qui compte habituellement 150 personnes», raconte ce bénévole, habitué à gérer les expulsions en essayant de «sauver quelques matelas» pour aider les personnes évacuées à se reloger ailleurs.
Et c'est bien là le problème. «On aura beau détruire leurs camps de fortune, ils en reconstruiront d'autres», poursuit Paul Roux. Même si tous les Roumains du camp ont reçu une obligation de quitter le territoire français, «nous les mettrons en contact avec des avocats pour qu'ils intentent des recours», explique Marie-Pierre Vincent. En habituée des expulsions, la responsable de l'association note d'ailleurs qu'elles ont souvent lieu au beau milieu de l'été, «lorsque les membres des associations de soutien sont en vacances». Le préfet de la loire, Pierre Soubelet, précise que «les expulsés ont un mois pour quitter le territoire français ».
Des réseaux très structurés
Aussi médiatisée soit-elle, l'opération stéphanoise n'est pas la première réalisée depuis la mise en garde de Nicolas Sarkozy. La préfecture de police de Paris, par exemple, avait depuis longtemps pris les devants. Au-delà d'une expulsion réalisée ce vendredi matin, en même temps que celle de la Loire, dans un campement sauvage des Hauts-de-Seine, la police du Grand Paris a déjà procédé, ces dernières semaines, à des fermetures de petits campements dans la capitale même, aux abords du périphérique, avec à chaque fois une dizaine d'illégaux interpellés. La préfecture recense aussi 4 ou 5 camps de taille modeste dans le Val-de-Marne, où un arrêté d'évacuation a été pris ce vendredi contre une installation de Roms sous l'A86 à Choisy-le-Roi.
Mais c'est surtout la Seine-Saint-Denis qui concentre ces populations nomades, avec deux implantations répertoriées, rassemblant environ 3000 des 3500 Roms d'Ile-de-France. Le climat actuel en pousse certains à se retrancher dans le Val-d'Oise, où les forces de l'ordre devront intervenir. «Il n'y a pas que les opérations ponctuelles, explique un commissaire de police. Les services parisiens ont arrêté et mis en cause pour des faits de délinquance près de 1400 Roms en situation illégale depuis le début de l'année, soit deux fois plus qu'en 2009.» Selon lui, «75% des infractions relevées à leur encontre sont des vols». Et la part des Roms mineurs mis en cause ne cesse de grimper: «de 38% à 49% en un an». Parmi les affaires traitées: nombre de flagrants délits de cambriolage ou de vols au distributeur de billets contre des personnes âgées. «Des familles de Roms très structurées tiennent les réseaux depuis l'étranger», explique un enquêteur chevronné. «Ils envoient les plus jeunes en première ligne parce qu'ils savent qu'ils bénéficient d'une quasi-irresponsabilité pénale», poursuit-il.
Objectif : 300 sites fermés en trois mois
Le 28 juillet, une réunion à l'Élysée consacrée, selon les termes de Nicolas Sarkozy, aux «comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms» a eu lieu dans la foulée des violences commises à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), où des gitans ont mis la commune à sac après la mort d'un des leurs. À l'issue des discussions, le gouvernement a annoncé que la moitié des camps illicites, soit environ 300, seraient démantelés d'ici à trois mois. Les Roms ayant commis des atteintes à l'ordre public ou des fraudes seront reconduits en Bulgarie ou en Roumanie de façon quasi immédiate. Par ailleurs, une vingtaine de policiers roumains et bulgares seront appelés pour épauler les forces de l'ordre françaises dans la région parisienne. Enfin, dix inspecteurs du fisc seront envoyés dans les zones d'habitation des gens du voyage et des Roms pour contrôler la situation des occupants.
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http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/08/06/01016-20100806ARTFIG00553-la-police-declenche-son-plan-contre-les-camps-de-roms.php
SITUATION DES ROMS EN EUROPE.
En Europe de l'Ouest, l'Espagne est le pays qui accueille la plus fortde citoyens européens, environ 10 millions sont des Roms. Bien que la situation de cette communauté pose des problèmes spécifiques d'intégration, reconnus par les institutions de l'Union européenne, celle-ci peine à se doter d'une politique commune. Chacun des vingt-sept pays partenaires compose donc sa propree communauté rom, ou gitane (800.000, selon l'estimation haute). Au printemps, le gouvernement a adopté un «plan d'action pour le développement de la population gitane 2010-2012». Doté d'un budget de 107 millions d'euros sur trois ans, il prévoit des actions en matière d'éducation, de santé, de logement, ainsi qu'en faveur des femmes.
En Italie, les Roms, ou «Sintis» (estimés à 150.000), sont régulièrement au centre de débats sur l'immigration et la sécurité. En 2008, un an après une vague de violence anti-Roms, l'Italie avait commencé à ficher les habitants de camps de nomades, en relevant notamment leurs empreintes digitales.
Comme Paris, Rome propose des aides au retour pour les Roms en situation irrégulière (billet d'avion, indemnité de voyage de 400 euros et pécule de 3000 euros maximum pour la réintégration dans le pays d'origine). Mais le ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, qui applaudit le durcissement de la politique française, veut demander à Bruxelles la permission d'étendre la procédure d'expulsion aux Roms qui sont citoyens européens mais qui ne satisfont pas à certaines «exigences». «Avoir un revenu minimum, un logement adéquat et ne pas être un fardeau pour le système social du pays d'accueil», a détaillé le ministre, membre du parti xénophobe Ligue du Nord.
L'Allemagne reconnaît officiellement la minorité des Roms de nationalité allemande. La plupart des autres Roms sont des réfugiés ayant fui la guerre au Kosovo. Berlin les encourage, comme tous les Kosovars réfugiés, à rentrer chez eux avec des aides au retour. Quelque 10.000 Roms ne disposant pas d'autorisation de séjour formelle doivent ainsi être renvoyés «par étapes», a annoncé le gouvernement. Reste que selon un rapport de l'Unicef, 38% des Roms renvoyés d'Allemagne sont apatrides, ce que plusieurs conventions internationales interdisent.
En Grande-Bretagne, on recense au maximum 200.000 Roms, aussi appelés «Gypsies». Parmi les promesses de campagne du parti conservateur, arrivé au pouvoir en mais dernier, figurait le renforcement de la législation contre les occupations illégales de terrains. En projet notamment, la création d'un nouveau délit qui permettrait aux policiers d'arrêter ceux qui refusent d'évacuer les terrains qu'ils occupent illégalement.
La Hongrie - pays voisin de la Roumanie, dont sont issus la plupart de Roms expulsés par les autres pays européens - compte environ 600.000 Roms. En 2009, 40% des jeunes Roms hongrois n'avaient pas achevé l'enseignement primaire. L'an dernier, le gouvernement a décidé de tripler le budget prévu pour reloger ceux qui vivent dans des bidonvilles et favoriser leur intégration dans la fonction publique. Mais avec la crise économique, Budapest a révisé ses plans et réduit les embauches prévues. Depuis que le parti d'extrême-droite Jobbik est devenu en avril dernier la troisième force politique du pays, les Roms sont de nouveau un sujet de débat national en Hongrie. Le Jobbik propose notamment de créer une gendarmerie dévolue aux «problèmes roms».
En République tchèque, où la minorité rom est estimée à 250.000 personnes, plusieurs attaques d'extrémistes de droite ont été enregistrées à leur encontre ces dernières années. Il y a deux ans, le pays a été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour le placement forcé d'enfants roms dans des écoles spéciales destinées aux handicapés mentaux. À la mi-mars 2010, le gouvernement tchèque a adopté un «plan national d'action» visant à encourager la scolarisation des enfants roms avec les autres.
Environ 250.000 Roms vivent en Grèce, la plupart dans des conditions misérables, souvent victimes d'expulsions arbitraires et de violence policière. Malgré des aides sociales provenant des programmes européens, leur intégration reste lettre morte. En 2008, la rapporteuse de l'ONU pour les droits des minorités, Gay McDougall, avait appelé Athènes à prendre des mesures urgentes pour améliorer leur situation «désespérée».
Le Portugal, la Suisse, la Pologne et la Suède comptent chacun 50.000 Roms sur leur territoire, selon les estimations hautes. Au Portugal, ceux qui se trouvent en situation irrégulière peuvent être expulsés, sauf s'ils sont nés au Portugal, s'ils y sont arrivés avant l'âge de dix ans ou s'ils ont des enfants mineurs à charge et scolarisés. La plupart des Roms en Suisse ont la nationalité suisse, les autres étant des réfugiés du Kosovo. En Pologne, selon les autorités 30% des enfants roms suisses ne sont pas scolarisés. Enfin en Suède, les Roms sont l'une des cinq minorités reconnues mais 80% des adultes sont sans emploi et une majorité d'enfants ne termine pas l'école primaire. Depuis le début de l'année, plus de 50 Roms ont été expulsés.
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